Alexandra Kollontaï, quelle femme ! Et quel destin !
Aristocrate russe, elle rejette très tôt son milieu, son pays et choisit la révolution et le monde. Révolution de 1905, exil, prison, agitation clandestine, et, en 1917, elle est avec Lénine dans la révolution. Elle fait partie de son premier gouvernement, ministre - commissaire du peuple - alors qu'en Europe les femmes n'accéderont, et rarement, à la fonction de ministre qu'après la Seconde Guerre mondiale. Puis, cinq ans plus tard, première femme ambassadeur que l'histoire ait connue.
Mais Alexandra Kollontaï, qui parle plusieurs langues, remarquable oratrice, sera aussi un tribun célèbre, s'adressant avec facilité aux ouvriers américains, aux socialistes allemands, aux marins révoltés de Kronstadt ou aux femmes musulmanes de l'Asie centrale, partout électrisant les auditoires fascinés.
Kollontaï est aussi une féministe passionnée, théoricienne de l'amour libre, combattant pour l'émancipation et les droits des femmes. Et encore une amoureuse dont les amours tumultueuses choquent Lénine, ce qui ne l'empêche pas d'être une mère attentive à son fils.
Autre Kollontaï, l'écrivain dont les écrits politiques, les romans, le journal tenu tout au long d'une vie constituent une oeuvre remarquable dont la qualité littéraire est unanimement reconnue.
Cette existence multiforme, si dense n'a pas empêché Alexandra Kollontaï de s'imposer à l'attention de ses contemporains par sa beauté inaltérable et une élégance constante, saluée toujours par la presse qui la présenta comme un modèle, préfigurant ainsi les « icones » médiatiques du XXe siècle.
Enfin, et ce n'est pas le moindre de ses exploits, Alexandra Kollontaï sortit victorieuse de la folie destructrice de Staline. Alors que Staline déshonora et extermina toute la vieille garde bolchevique, Kollontaï échappa au sort tragique de tous ses camarades de combat et vécut, indemne et active, à quelques mois près, aussi longtemps que Staline.
Pour retracer ce destin incroyable et comprendre cette personnalité hors du commun et le demi-siècle qu'elle aura marqué, l'auteur a rassemblé une documentation considérable - archives, écrits de Kollontaï, mémoires de bolcheviks présents à l'époque - et des études historiques qui y sont consacrées.
Historienne de la Russie, auteur de L'Empire éclaté, Hélène Carrère d'Encausse, membre depuis 1991 de l'Académie française dont elle est Secrétaire perpétuel depuis 1999, a notamment publié aux Editions Fayard Le Malheur russe, Nicolas II, Lénine, Les Romanov, Six années qui ont changé le monde, 1985-1991, Le Général de Gaulle et la Russie, La Russie et la France.
Né dans un empire moribond, au sein d'une famille bourgeoise juive et cultivée, Stefan Zweig est l'auteur de langue allemande le plus publié et le plus lu dans l'entre-deux-guerres. Frappé de plein fouet par la Première Guerre mondiale, il devient peu à peu pacifiste, attitude dont il ne se départira plus sa vie durant. Menacé par l'arrivée des nazis au pouvoir à Berlin, il quitte l'Autriche en 1934, tant la tension y est insupportable, dans l'attente de l'annexion, et connaît l'exil au Royaume-Uni, aux États-Unis puis au Brésil.
En dépit des conditions dans lesquelles il vit grâce à sa notoriété et sa fortune, coupé de sa bibliothèque et de sa patrie, Zweig étouffe. D'autant plus que le nouvel ordre mondial exige de lui qu'il renonce à ce qu'il est : écrivain, de langue allemande et juif. On lui dénie le droit d'écrire, le droit d'être allemand quand le fait d'être juif représente un véritable arrêt de mort. Incapable de ce triple renoncement, véritable négation de son être, il choisit le suicide.
Mathilde Aycard et Pierre Vallaud sont spécialistes des guerres du premier xxe siècle ainsi que des totalitarismes. Ils ont notamment publié La Seconde Guerre mondiale (Acropole, 2002), 14-18 : La Première Guerre mondiale (Fayard, 2004), Dictionnaire encyclopédique du IIIe Reich (Perrin, 2008), Russie. Révolutions et stalinisme, 1905-1953 (L'Archipel, 2012) ou encore Salò, l'agonie du fascisme (Fayard, 2018).
« Sa finesse d'esprit est remarquable pour son âge et une fois qu'elle a décidé de faire quelque chose, elle s'efforce d'y parvenir par n'importe quel moyen et à n'importe quel prix. »
Érasme Brasca, ambassadeur de Venise
Si elle est devenue une reine aux contours parfois insaisissables, c'est parce qu'Anne de Bretagne a servi trop de maîtres après sa mort. On la voudrait fidèle à la France parce qu'elle fut reine, fidèle à la Bretagne parce qu'elle est née bretonne, fidèle à son père parce qu'elle lui promit de ne jamais assujettir son duché, fidèle à son peuple qui comptait sur elle, fidèle à son époux - mais lequel ? Charles VIII ou Louis XII -, fidèle à ses fils morts trop jeunes, fidèle à ses filles, comme elle éloignées du trône. Sa vie intense et fascinante, ses voyages et ses pèlerinages symboliques, contribuèrent à élaborer ce personnage mythique.
Il est temps de retracer le portrait intime de cette femme de tête entourée d'hommes de pouvoir. Car, reine et duchesse, Anne de Bretagne fut aussi et d'abord une femme de son temps.
6 février 1952. Le roi George VI s'éteint seul, au petit matin, dans sa chambre du château de Sandringham. Le règne d'Elizabeth II commence. Elle sera la dernière à l'apprendre.
La jeune femme termine alors un déplacement officiel au Kenya. Aucun des télégrammes du palais ne parvient jusqu'à elle. Ses premières heures en tant que souveraine seront ses dernières heures de liberté volées à l'Histoire, il n'en existe aucune image.
Naissance d'une reine livre le récit passionnant des quelques jours où tant de vies basculent et où la mécanique de l'institution monarchique se révèle dans sa dimension écrasante, inéluctable.
La vague qui emporte Elizabeth et son époux, le prince Philip, entraîne en effet avec eux leur famille et leurs équipes, mais aussi les grandes figures de la vie britannique de ce début des années 1950, en premier lieu Winston Churchill, qui contribuera à donner aux événements leur part de théâtre.
Derrière la charge historique et dramatique des faits se révèlent des femmes et d'hommes confrontés à des traditions et des enjeux qui les obligent autant qu'ils les dépassent.
Isabelle Rivère, journaliste et auteure, est la seule journaliste française à avoir été autorisée par le palais de Buckingham à suivre Elizabeth II pendant plusieurs années, à rencontrer ses proches et ses équipes. Son livre Elizabeth II, dans l'intimité du règne, a été réédité en 2020 par Fayard dans une version augmentée.
Alexis de Tocqueville fut à plus d'un titre un homme de son temps. Grand penseur, ennemi de tous les despotismes, il refusa de se contenter de la théorie, prenant une part active aux événements politiques troublés de son époque.
Dans cette biographie appelée à faire date, Olivier Zunz révèle comment ce jeune aristocrate français conçut, le premier, une théorie générale de la démocratie moderne. Son voyage aux États-Unis en 1831-1832, à l'âge de vingt-cinq ans, fut pour lui une révélation, la découverte d'une société où l'égalité est source de liberté. Le succès de son livre majeur De la démocratie en Amérique consolida son engagement. Député, ministre de la IIe République, il se mit au service de grandes causes : l'abolition de l'esclavage, la réhabilitation des criminels ou la liberté de l'enseignement avec l'espoir de réconcilier État et Église. Mais son nationalisme l'aveugla, jusqu'à soutenir la férocité du projet colonial en Algérie.
Refusant de soutenir le Second Empire, Tocqueville consacra ses dernières années à repenser l'histoire d'une Révolution française « entreprise pour la liberté » mais « aboutissant au despotisme », tragiquement. Une leçon pour comprendre le monde contemporain.
Après tant de livres et d'études consacrés à Cicéron, est-il possible de dire sur lui quelque chose de nouveau? C'est ce qu'a tenté l'auteur, relevant le défi porté autrefois par un illustre philologue allemand, prétendant qu'il était impossible d'écrire un Cicéron. P. Grimal, bien qu'il ait enseigné la littérature latine en Sorbonne pendant de nombreuses années, et répudiant toute prudence, a voulu écrire sur l'illustre Romain un ouvrage qui puisse être lu. Il a relevé ce défi à l'impossible et gagné son pari. Voici un Cicéron qui essaie non pas de porter un jugement de l'extérieur, et, à travers l'épaisseur des siècles, sur l'homme, ou le consul, ou l'orateur, mais qui s'attache à comprendre le personnage lui-même dans sa complexité, ce qu'il a été simultanément.
C'est le moment où Rome devient sensible à la philosophie, et en élabore une qui lui est propre. Le moment où naît l'Empire sur les ruines de la vieille cité-Etat, où la culture, l'éloquence, la préoccupation de la beauté vont devenir le ciment de l'Empire. Cette création, spirituelle autant que politique, a eu pour artisan celui que certains de ses contemporains appelaient avec dédain " l'homme d'Arpinum ". Déchiré, en contradiction parfois avec lui-même, il avait ses racines dans le plus lointain passé, mais ce qu'il apporta au monde devait vivre jusqu'à nous.
Le Cicéron, extraordinairement vivant et attachant, que nous offre P. Grimal, est un témoignage sur une époque, mais avant tout sur un homme que des générations ont caricaturé et défiguré de mille manières.
Pour les auditeurs d'Hérodote, il ne faisait pas de doute qu'Artémise, capitaine de vaisseaux qui s'était illustrée à Salamine au ve siècle av. J.-C., avait effectivement participé à la célèbre bataille navale, elle qui avait dirigé la cité d'Halicarnasse et qui, bien que Grecque, avait été membre de l'état-major perse. Pour les historiens postérieurs, l'exploit d'Artémise est en revanche incroyable : comment des citoyens d'Halicarnasse auraient-ils pu accepter qu'une femme les gouverne et commande leurs navires ?
À partir du cas singulier d'Artémise, Violaine Sebillotte Cuchet mène une vaste enquête. Elle dévoile le regard que les habitants des cités grecques portaient sur les femmes au pouvoir, les rapports de force qui organisaient alors les relations sociales, les manières de construire la masculinité, la féminité et l'altérité barbare. La vie d'Artémise, longtemps considérée comme exceptionnelle, s'éclaire ici des fragments de vie connus des autres femmes de l'Antiquité grecque, contre les stéréotypes construits au fil des siècles.
Violaine Sebillotte Cuchet est professeure d'histoire grecque ancienne à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle est spécialiste d'histoire des femmes et du genre.
Rabats :
« Elle avait nom Artémise, était fille de Lygdamis [...]. Elle régnait sur Halicarnasse, Cos, Nysiros, Calymnos, et fournissait cinq vaisseaux. De toute la flotte, ses navires étaient, après ceux des Sidoniens, les plus réputés ; et, de tous ceux qui prirent part à l'expédition, c'est elle qui donna au Roi les meilleurs avis. »
Hérodote, Histoires VII, 99.
« Si l'un de nous donne la moindre prise à ces femmes, rien n'échappera à leur inlassable industrie : elles iront jusqu'à construire des navires, et, nouvelles Artémises, jusqu'à entreprendre de parcourir la mer pour nous livrer bataille ! »
Aristophane, Lysistrata, 675-685.
Personnage légendaire effacé des mémoires, Bayard incarne à la perfection l'idéal de la chevalerie et ses valeurs cardinales : courage, fidélité, humilité, sens de l'honneur et générosité. Sa vie est un roman peuplé de charges héroïques, de valeureux faits d'armes, de batailles gagnées au nom de Dieu et des trois rois successifs (Charles VIII, Louis XII et François Ier) que le chevalier « sans peur et sans reproche » a servis, mais aussi de défaites et de blessures. Ce récit met en scène Bayard dans son époque, entre un Moyen Âge finissant et une foisonnante Renaissance.
Avec Bayard et avec la victoire de l'arme à feu contre la lance du cavalier s'éteint peu à peu l'âme de la chevalerie. À la longue gloire posthume du héros succède un mortel oubli au point que l'on cherche encore la trace de sa dépouille et qu'il est privé d'une digne sépulture.
Dans ce livre extrêmement vivant, Yves de Chazournes met Bayard à l'honneur tout en s'efforçant de faire la part entre légende et réalité.
Journaliste, Yves de Chazournes a travaillé pour de nombreux médias et réalisé des reportages et documentaires pour la télévision. Il est également auteur d'ouvrages d'exploration (L'aventure des pôles, Un géant et des hommes) et co-auteur de Confessions d'un voleur d'art.
Matricule 78651. Simone Veil a seize ans et elle est condamnée à mourir à Auschwitz. Elle est devenue immortelle. Son destin fascine et intrigue. Il était temps de percer le mystère qui entoure le parcours exemplaire de celle qui est devenue une icône pour des générations de femmes. Se nourrissant de témoignages inédits, Sarah Briand retrace l'itinéraire de la petite fille au caractère rebelle qui s'appelait encore Simone Jacob lorsqu'elle revint des camps de la mort, sa rencontre avec son futur mari, le doux cocon familial, les coulisses de ses combats politiques, les rendez-vous secrets, les blessures et les drames qui ont émaillé sa vie. Une plongée dans l'intimité d'une combattante. Sarah Briand, trente-six ans, journaliste à France 2, est réalisatrice de documentaires pour l'émission de Laurent Delahousse « Un Jour Un Destin », notamment auteur du film Simone Veil, l'instinct de vie.
Journaliste issu de l'aristocratie catholique et conservatrice, sympathisant de l'Action française, auteur dans les années 1930 d'articles antisémites et antirépublicains, Emmanuel d'Astier de La Vigerie, dit d'Astier (1900-1969), fonde en 1940 l'une des premières organisations de résistance à l'occupation nazie. Á l'avant-garde de l'antivichysme sous l'Occupation, figure de l'aile gauche radicale de la Résistance, il poursuit après la Libération une carrière parlementaire placée sous le signe du compagnonnage de route avec le parti communiste. Comment expliquer la métamorphose politique de cet ancien maurassien devenu gaulliste, puis antigaulliste, avant de s'allier au parti de la classe ouvrière ?
Pour résoudre l'énigme que pose ce parcours singulier, Aurélien Raynaud entre dans la fabrique sociale d'Emmanuel d'Astier. Entre temps long biographique et temps court de l'expérience, il ouvre la boîte noire de cet engagement résistant, interrogeant les multiples façons dont histoires individuelles et histoires collectives se percutent.
Bertrand Du Guesclin (1320-1380) est un des personnages les plus importants de l'histoire de Bretagne, de France, et même de l'Europe occidentale.
On pourrait croire qu'on connaît tout sur lui. En réalité, les recherches les plus récentes au sein des archives permettent d'en dresser une biographie renouvelée. Héros pour beaucoup, traître pour d'autres, Du Guesclin ne laisse pas indifférent. Né dans une grande famille bretonne, seigneur de moyenne envergure, il devint deux fois connétable, de France et de Castille, deux fois duc, deux fois comte, et peut-être roi. Chevalier, chef routier et même entrepreneur de guerre, il fut tout cela à la fois, à la croisée des chemins d'une Europe en pleine transition.
Dans un récit haut en couleur, Frédéric Morvan retrace le destin flamboyant de ce grand conquérant aux méthodes parfois discutables, mais mû par l'idéal chevaleresque de son temps.
Professeur agrégé d'histoire, docteur en histoire médiévale, Frédéric Morvan est spécialiste de la féodalité bretonne et de la guerre au Moyen Âge en Bretagne. Il est président du Centre d'Histoire de Bretagne/Kreizenn Istor Breizh. Il a notamment publié La chevalerie de la Bretagne au Moyen Âge (Presses universitaires de Rennes, 2009), Les Bretons. L'esprit valeureux et l'âme fière (1870-1970) (Michel Lafon, 2014) ou encore Bretagne, l'histoire confisquée (Cherche Midi, 2017) et dirigé plusieurs volumes aux éditions Encyclopédie de la Bretagne.
L'histoire de Louis XI est celle d'un homme qui sut imposer ses décisions, qui dut garder sans cesse l'esprit en éveil, plier le temps à ses desseins, être deux fois plus habile et trois plus rapide que ses semblables, et cacher son sens de la comédie derrière les gestes du conformisme.
Ce livre nous montre l'image d'un homme aux capacités exceptionnelles, doué d'une personnalité diverse et complexe. Certains le considéraient comme « le plus subtil qui soit ». Pourtant, peu après sa mort, on racontait qu'il s'abreuvait du sang des nouveau-nés au cours de sa dernière maladie, était l'assassin de son frère et se délectait à écouter les cris de ses victimes torturées.
En abandonnant la légende pour retrouver la vie, Paul Murray Kendall révèle les vraies dimensions de l'homme, son habileté à charmer, son insatiable curiosité, son goût de la loyauté. Tout cela dans une biographie qui apporte une contribution essentielle à l'histoire du xve siècle tout en demeurant d'une lecture facile et passionnante.
Paul Murray Kendall (1911-1973) a enseigné l'histoire à l'université de l'Ohio et à celle du Kansas. Il a consacré plusieurs ouvrages à l'histoire du xve siècle.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Éric Diacon.
Nul autre homme d'Etat n'a été autant fasciné par l'Histoire que le général de Gaulle. Sa très sûre et immense connaissance du passé européen, de la culture de l'Europe et de ses mythes, et la relation intense entre la France et la Russie étaient chacune partie intégrante de son univers mental et de son imaginaire. Le général de Gaulle voyait la Russie comme cet « allié de revers » indispensable à sa sécurité, mais plus encore parce qu'elle participait à sa conception de l'équilibre de l'Europe et de la place de l'Europe dans le monde.
La politique franco-russe du Général s'est étendue sur trois décennies, marquées par des ruptures impressionnantes : la guerre, la guerre froide et les tentatives d'ouverture des blocs Est-Ouest. Nul autre homme d'Etat n'a eu une expérience aussi grande et diverse des dirigeants de l'URSS. Or, s'agissant d'un système politique totalement dominé par celui qui se trouvait au sommet, la familiarité du général de Gaulle avec Staline, Khrouchtchev et Brejnev est une donnée exceptionnelle de son action politique. C'est pourquoi son action et son expérience, considérées dans leur totalité, dans la durée et avec le recul du temps, constituent, au moment où la carte du monde se recompose et que le monde n'est plus exclusivement américain, un précieux apport à la réflexion géopolitique actuelle.
Ce recueil rassemble dix articles et lettres de jeunesse de Raymond Aron, jamais ou rarement réédités, rédigés à un moment où il pressent l'arrivée de l'âge des tyrannies recouvrant l'Europe. Universitaire à Cologne en 1930 puis à Berlin entre 1931 et 1933 - où il assiste à des autodafés -, il perçoit avec une grande acuité la montée du totalitarisme nazi.
De ces textes, parmi lesquels figure la célèbre conférence « États démocratiques et États totalitaires », le lecteur tire l'impression de revivre la révolution nationale en Allemagne, le basculement dans le totalitarisme des démocraties occidentales et la naissance d'une pensée résistante. En même temps, il se donne les moyens de comprendre ce passé tragique aux échos contemporains. À l'heure où l'Europe voit ressurgir ses vieux démons nationalistes et antidémocratiques, relire le jeune Raymond Aron est salutaire et éclairant.
Charles de Gonzague-Clèves (1580-1637), duc de Nevers, de Rethel puis de Mantoue, est l'archétype de ces princes du début du xviie siècle qui se heurtent aux mutations de leur temps.
Alors que s'affirment partout en Europe les aspirations d'États forts, chacun cherche les moyens de s'imposer. De jeune guerrier, fin stratège, meneur d'hommes sur les champs de batailles, Charles devient calculateur, posant ses pions, nouant des alliances. Engagé dans de multiples projets, de la fondation de Charleville à la reconquête de la Grèce contre les Turcs, protégé par Henri IV, haï par Marie de Médicis, ses liens de parenté lui offrent un destin européen exceptionnel, des bords de la Meuse au duché de Mantoue.
À partir d'archives inédites dispersées dans de nombreux pays ainsi que d'un millier de lettres, Claude Grimmer nous immerge, chose rare, dans l'intimité familiale d'un homme aussi soucieux de protéger les siens que d'arriver à ses fins : jouer un rôle en Europe.
Claude Grimmer est maîtresse de conférences honoraire en histoire moderne à l'université Clermont-Auvergne. Chercheuse associée au Centre Roland Mousnier (Sorbonne-Université), elle participe actuellement à l'enquête Charleville : Connexions Carolopolitaines, Espace, Population, Patrimoine. Spécialiste de l'histoire de la famille, elle a publié de nombreux ouvrages dont La Femme et le bâtard (Presses de la Renaissance, 1983).
La déesse Diane séduisait les chasseurs sans jamais se donner. Depuis des siècles, les hommes, notamment les plus jeunes, ont confié avoir été éblouis par une jeune fille, tout juste croisée, jamais revue, image à laquelle leur vie durant ils sont restés attachés. La disparition récente des filles de rêve marque une rupture majeure dans l'histoire de l'imaginaire occidental. Est-il possible aujourd'hui de les décrire sans ironie et sans les conspuer ? Est-il possible de reconstituer ce qu'était la femme idéale, sans anachronisme ? Alain Corbin s'est risqué à cette entreprise. Il fait donc revivre dans ce livre dix-neuf filles de rêve, celles des mémoires, des romans et des légendes. Il ouvre ainsi une porte sur le romantisme masculin, cette manière subtile d'échapper à soi en pensant à un être aimé inaccessible. Un voile est levé sur une face mystérieuse de la virilité. Finalement, ce voyage à travers l'amour pur est une délicieuse invitation au fantasme.
Tout le monde en France connaît l'histoire d'Oskar Schindler, qui a sauvé un millier de juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Mais on connaît beaucoup moins l'exploit de Felix Kersten, et pourtant, un mémorandum du Congrès juif mondial établissait dès 1947 que cet homme avait sauvé en Allemagne « 100 000 personnes de diverses nationalités, dont environ 60 000 juifs, [...] au péril de sa propre vie ». Encore, à l'issue du récit qui va suivre, de tels chiffres sembleront-t-il passablement sous-évalués.
Un des ouvrages les moins connus et les plus émouvants de Joseph Kessel s'intitule Les mains du miracle. Ce roman retraçait déjà l'exploit du thérapeute d'Himmler qui se faisait rémunérer en libérations de juifs et de résistants sans que le lecteur puisse toujours distinguer la part de Kessel de celle de Kersten. Pour reconstituer la véritable histoire au travers des archives, des mémoires, des journaux, des notes et des dépositions des principaux protagonistes, il fallait un historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, qui connaisse également l'allemand, l'anglais, le suédois, le norvégien, le danois et le néerlandais. Le résultat est un récit de terreur, de lâcheté, de générosité, de fanatisme et d'héroïsme qui tiendra jusqu'au bout le lecteur en haleine. Combien de fois dans l'existence rencontre-t-on un périple de cette envergure - sans un mot de fiction ?
Le professeur François Kersaudy, qui a enseigné aux universités d'Oxford et de Paris I, est connu en France pour ses ouvrages sur Winston Churchill et sur le général de Gaulle. Mais il est également l'auteur d'une biographie du maréchal Goering qui fait autorité, ainsi que du best-seller Les secrets du Troisième Reich. Historien polyglotte, il parle neuf langues et a reçu douze prix littéraires français et étrangers.
Rabat 1
« J'ai défendu la République dans ma jeunesse, je ne l'abandonnerai pas dans ma vieillesse... je ferai volontiers le sacrifice de ma vie, si, par ma mort, je puis réaliser pour les citoyens le rétablissement de la liberté... »
Cicéron, Philippiques, II, 118.
Rabat 2
« Cicéron...Ce n'est pas le nom d'un orateur, c'est le nom de l'éloquence... »
Alphonse de Lamartine, Vies de quelques hommes illustres, Cicéron, 1863.
Cicéron est, à plus d'un titre, une figure exceptionnelle. Nul auteur, nul homme politique romain n'offre la même possibilité de compréhension de son temps. Un temps qui, dans une République à l'agonie, vit les Romains se partager violemment entre tenants du mouvement, les populares, et partisans de l'immobilisme, les optimates, pour finir par s'affronter les armes à la main. Cicéron, qui n'avait que sa voix, pensait, fort peu modestement, que sa parole suffirait à redresser une situation désespérée. Pouvait-il cependant croire que, sans l'appui de légions ou d'importantes clientèles, une troisième option politique, réformatrice sans être révolutionnaire, avait vocation au succès ? Il le crut et ce fut son drame. Il devait finir sauvagement assassiné sur ordre de Marc Antoine en 43 av. J.-C., laissant derrière lui une oeuvre immense.
En suivant sur le temps long le devenir de Cicéron et la postérité de son oeuvre, Yves Roman nous plonge au coeur de la compréhension d'une démarche politique, rhétorique et philosophique, pour saisir toute la complexité d'un homme.
Professeur d'histoire romaine à l'université Lyon 2 de 1981 à 2010, Yves Roman est l'un des grands spécialistes d'histoire ancienne en France. Ancien président de la Sophau (Société des Professeurs d'Histoire Ancienne de l'Université) et lauréat de l'Académie française, il a notamment publié avec Danièle Roman une Histoire de la Gaule (Fayard, 1997) qui est aujourd'hui encore une référence.
Robespierre, c'est la Révolution, son souffle épique, et son soufre aussi. L'homme est chargé de tous les maux et couvert de tous les éloges avant même son élection au Comité de salut public, en juillet 1793. Aujourd'hui, beaucoup lui associent la Terreur et les massacres de Vendée ; d'autres soulignent son combat pour le suffrage universel, sa dénonciation de la peine de mort et de l'esclavage, sa défense d'un pays menacé, son rêve d'une république qui offre à tous une égale dignité. Comment dépasser ce paradoxe ?
Hervé Leuwers s'est lancé sur les traces de l'enfant d'Arras devenu mythe, en véritable historien, bousculant les présupposés, analysant des sources jusqu'à aujourd'hui inédites, creusant les archives pour faire jaillir le portrait d'un juriste et homme de lettres, d'un orateur hors pair, d'un politique intransigeant et désintéressé. Un homme d'état, certes, comme la France en a peu connu dans son histoire, mais aussi une personnalité complexe, dérangeante, et pourtant souvent généreuse. Cette biographie de référence invite à redécouvrir un homme d'exception qui fascine dans le monde entier. Professeur à l'université Lille 3, Hervé Leuwers est spécialiste de la Révolution française et de la société judiciaire des xviie et xviiie siècles. Il a notamment publié Un juriste en politique : Merlin de Douai (APU, 1996), L'Invention du barreau français (Éd. de l'EHESS, 2006, prix Limantour) et La Révolution française et l'Empire (PUF, 2011).
Les paysans sont-ils des bêtes? Faut-il excommunier les buveurs de chocolat? Un mouchoir sert-il à cracher dedans ou à couvrir la gorge des jolies femmes? Le don des langues est-il une preuve de diablerie? Est-il vrai que les Chartreux ont la grâce d'être à jamais exempts des morsures de punaises? Un Français catholique est-il plus proche d'un Espagnol catholique que d'un Français protestant? Telles sont quelques-unes des questions qui agitent la société française du temps de Richelieu.
Ne nous y trompons pas: nos ancêtres de ce premier XVIIe siècle, " siècle des héros et des saints ", sont infiniment proches de nous. Ils inventent le patriotisme et le sens de l'Etat, la pression fiscale, l'armée permanente, les grandes manufactures, une façon d'habiter dans les villes qui est déjà la nôtre. Siècle de Descartes et de la raison raisonnante, de l'Académie française et du bien parler, du théâtre classique et des bienséances, de la gastronomie française et de la presse d'opinion. Siècle de l'absolutisme et du jansénisme, où voisinent l'ombre équivoque du Père Joseph avec son cortège d'espions, Théophraste Renaudot, la marquise de Rambouillet et saint Vincent de Paul, siècle de mousquetaires et de ribaudes, d'artistes et de sorcières, de lyrisme et de calcul, de discordes et d'union nationale, c'est la France de Richelieu, première image de la France moderne.
Michel Carmona, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, agrégé d'histoire, est l'auteur d'un Marie de Médicis (Fayard, 1981) d'un Richelieu (Fayard, 1983) des Diables de Loudun (Fayard, 1988).
Oeuvre d'historien, ce livre se lit comme un roman. Le lecteur est entraîné sur les pas de Champollion, erre comme lui dans l'aventure du déchiffrement des hiéroglyphes ; il a les yeux de Champollion sur le monde, partage ses rêves, ses doutes et les affres de sa santé précaire, sillonne des contrées lointaines en sa compagnie, réagit aux attaques des jaloux qui lui contestent la gloire de sa découverte. Cette somme révèle des épisodes jusqu'ici inconnus de la vie du savant, notamment les années passées à Grenoble où les guerres napoléoniennes et la Restauration eurent un fort retentissement.
Tout le monde a entendu parler, un jour ou l'autre, de François d'Assise, ce saint italien du xiiie siècle qui aimait la pauvreté, prêchait aux oiseaux et serait le premier stigmatisé de l'histoire.
Malgré la sympathie générale qui entoure sa figure, le « Pauvre d'Assise » reste cependant mal connu du public, car son image a parfois été brouillée par des interprétations édifiantes ou fantaisistes qui ont affadi ou dénaturé son message.
Depuis un demi-siècle, les recherches qui lui ont été consacrées, en Italie et dans le monde entier, ont profondément modifié la connaissance et la compréhension que l'on pouvait avoir du « Poverello ». Aussi était-il devenu urgent de lui consacrer une étude nourrie des travaux les plus solides. Le présent ouvrage cherche à expliquer, en se plaçant du point de vue de l'historien, pourquoi François d'Assise continue à exercer une réelle fascination à huit siècles de distance.
« Une enquête a été faite contre [...] Dante Alighieri, du sestiere de Saint Pierre majeur [...] pour établir s'il a commis des « barateries », des injustes extorsions et des gagnes illicites en argent ou en nature »
Cante Gabrielli da Gubbio, podestat de Florence, 27 janvier 1302.
« Je tiens pour un honneur l'exil qui m'est donné : car [...] tomber avec les bons reste digne de louange. »
Dante Alighieri, Tre donne, vers 1302-1308.
Écrire une biographie de Dante est un défi auquel se sont confrontés nombre de chercheurs. Tandis que les archives se taisent le plus souvent sur la vie du Florentin ou sont d'interprétation délicate, son oeuvre contient tant de passages personnels qu'elle pourrait aisément se lire comme une autobiographie. Mais naïve serait la démarche qui prendrait Dante pour un témoin fidèle de sa vie.
Dans une enquête conduite à quatre mains, où documents et oeuvre littéraire se font écho, Elisa Brilli et Giuliano Milani renouent les fils de ce destin singulier. Celui d'un homme aux prises avec les bouleversements politiques de son temps, à la charnière des xiiie et xive siècles, et dont les expériences, horizons et réactions changent en fonction des contextes qu'il traverse (municipal, seigneurial, impérial, courtisan) ; celui d'un homme qui tenta à plusieurs reprises de façonner sa vie par l'écriture, inventant une forme de récit de soi, aux contenus toujours changeants, entre mémoire individuelle et universelle.
Là est sans doute la contribution essentielle de Dante à la culture occidentale.
Elisa Brilli est professeure de littérature italienne médiévale à l'université de Toronto depuis 2015. Ses recherches portent sur Dante et l'histoire culturelle médiévale. Elle a notamment publié Firenze e il profeta. Dante fra Teologia e Politica (Rome, 2012), dirigé le « Forum » sur les études biographiques de Dante (dans Dante Studies, 136 en 2018) et fondé avec J. Steinberg et W. Robins le International Seminar on Critical Approaches to Dante.
Giuliano Milani est professeur d'histoire médiévale à l'université Gustave Eiffel. Il s'intéresse à l'histoire politique et institutionnelle des communes italiennes. Il est notamment l'auteur de L'homme à la bourse au cou (Rennes, 2019) ; il a dirigé avec A. Montefusco Dante attraverso i documenti (Florence-Berlin, 2016-2020) et il a édité avec T. De Robertis, L. Regnicoli et S. Zamponi le Codice diplomatico dantesco (Rome, 2016), la collection des documents sur la vie de Dante et de la famille Alighieri.
Charles IV (1316-1378) fut le roi et l'empereur d'une chrétienté en crise au xive siècle, déchirée par la peste, la guerre de Cent Ans et les débuts du schisme pontifical. Issu de la dynastie des Luxembourg, il est né à Prague, a été élevé à Paris, fit ses premières armes en Italie, devint roi des Romains, roi de Bohême, roi des Lombards, roi d'Arles et ceignit enfin la couronne impériale à Rome. Il parlait, lisait, écrivait le tchèque, le français, l'allemand, le latin, l'italien. Collectionneur passionné de reliques et d'oeuvres d'art, notamment de ses propres portraits, il est l'auteur, fait rarissime, d'une autobiographie qui raconte son enfance, ses rêves, ses doutes à la première personne. Il est aussi le père de la Bulle d'Or de 1356, une Constitution qui ordonne l'élection et les institutions du Saint Empire jusqu'en 1806, établit un équilibre fédéral et territorial à l'allemande, d'une certaine manière toujours actuel.
Constructeur de châteaux, marié quatre fois, grand lettré, inlassable voyageur, Charles IV fut un roi et empereur à la fois médiéval et moderne, au carrefour des langues et des cultures européennes.
Directeur d'étude à l'EHESS, Adjunct Professor de l'université Goethe de Francfort/Main, Pierre Monnet dirige l'Institut franco-allemand de sciences historiques et sociales de Francfort/Main. Spécialiste de l'histoire politique et sociale de la fin du Moyen Âge, il est l'auteur de nombreux ouvrages et a notamment édité avec Jean-Claude Schmitt la Vita de Charles IV (Belles Lettres, 2010).