Après ses vies de Magellan, de Marie Stuart ou de Fouché, faut-il rappeler le génie de biographe de Stefan Zweig ? Marie-Antoinette (1933) rétablit la courbe et la vérité d'un destin obscurci par la passion ou la honte posthumes. L'auteur a fait le ménage dans la documentation, puisant dans la correspondance de Marie-Antoinette avec sa mère, Marie-Thérèse d'Autriche, et dans les papiers de Fersen, grand amour de la reine.
Qui était Marie-Antoinette faite, l'année de ses quinze ans et par raison d'Etat, reine de France ? Une débauchée futile ? Une icône pour la Restauration ? Nous la suivons de la chambre de son époux, qu'elle appelait son « nonchalant mari », le falot Louis XVI, jusqu'au lit de la guillotine. Quel voyage ! Quelle histoire ! Le monde enchanté et dispendieux de Trianon, la maternité, le début de l'impopularité, l'affaire du collier, la Révolution qui la prit pour cible, la fuite à Varennes, la Conciergerie, l'échafaud...
Zweig s'est penché sur Marie-Antoinette en psychologue. Il ne la divinise pas : elle « n'était ni la grande sainte du royalisme ni la grande « grue » de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire ». Il analyse la chimie d'une âme bouleversé par les événements, qui, sous le poids du malheur et de l'Histoire, se révèle à elle-même et se rachète, passant de l'ombre de la jouissance à la lumière de la souffrance. « A la toute dernière heure, Marie-Antoinette, nature moyenne, atteint au tragique et devient égale à son destin ».
Davantage qu'un livre d'histoire : un roman vrai.
« Je suis entrée comme apprentie chez MM. Durand frères. J'avais alors douze ans ». Ainsi commence le témoignage de Lucie Baud (1870-1913), ouvrière en soie du Dauphiné, femme rebelle et oubliée, en dépit de grèves mémorables. Une ouvrière méconnue peut-elle être une héroïne ? Michelle Perrot s'efforce de comprendre son itinéraire en renouant les fils d'une histoire pleine de bruits et d'ombres, énigmatique et mélancolique. Mélancolie d'un mouvement ouvrier qui échoue, d'une femme acculée au départ et peut-être au suicide, de l'historienne enfin, confrontée à l'opacité des sources et à l'incertitude des interprétations.
"Parce qu'elle a été la première en France en 1791 à formuler une 'Déclaration des Droits de la Femme' qui pose dans toutes ses conséquences le principe de l'égalité des deux sexes. Parce qu'elle a osé revendiquer toutes les libertés, y compris sexuelle ; réclamer le droit au divorce et à l'union libre ; défendre les filles-mères et les enfants bâtards, comprenant que la conquête des droits civiques ne serait qu'un leurre si l'on ne s'attaquait pas en même temps au droit patriarcal. Parce qu'elle a payé de sa vie sa fidélité à un idéal."Olympe de Gouges demeure une figure fondatrice du combat contemporain pour l'égalité des sexes. Après le beau succès du roman graphique de Catel paru l'an dernier, Benoîte Groult rend un nouvel hommage à cette pionnière.
Tout le monde connaît les soeurs Rouart... sans pourtant les connaître : peintes par Renoir, au piano, elles sont aussi mythiques que les Danseuses de Degas ou les Tournesols de Van Gogh. Leurs visages sont des icônes de l'Impressionnisme.
Filles du peintre et collectionneur Henry Lerolle, les belles Yvonne et Christine ont grandi au milieu d'artistes de génie. Renoir, Degas, mais aussi Debussy, Ernest Chausson, ou encore Claudel, Gide et Mallarmé étaient des familiers, toujours enclins à peindre ces deux jeunes filles modèles, à les photographier, à jouer du piano avec elles.
C'est Degas, le peintre préféré de leur père, qui a l'idée de les marier aux frères Eugène et Louis Rouart, les fils de son ami, le collectionneur Henri Rouart.
Issues d'un milieu libéral, elles allaient se heurter au caractère impétueux et sombres des deux énergumènes, pourtant venus comme elles d'une famille éprise d'art, jusqu'à la folie.
Elles avaient tout pour être heureuses... L'amour sera leur grande blessure. Leurs mariages, par des chemins détournés, les conduiront de l'insouciance au désenchantement. Jusqu'à la tragédie.
Derrière les lourds rideaux de ces hôtels particuliers fréquentés par tant d'artistes exceptionnels, ou dans les ateliers des peintres, c'est tout un univers qui renaît avec ses passions et des drames, ses secrets et ses ombres. Ce monde, Dominique Bona le fait revivre dans cette biographie foisonnante, à travers l'aventure de deux soeurs au destin brisé.
Rouen, 1642. Pour soulager le travail de son père, surintendant chargé des recettes fiscales, un jeune homme de dix-neuf ans décide de fabriquer la première machine à calculer au monde. Pendant dix ans, de sa conception à sa fabrication, en résolvant les difficultés tout en luttant contre les faussaires, elle accompagne la vie et la pensée de ce génie qui s'appelle Blaise Pascal. De cette petite boîte élégante, cette « Pascaline », il fera le pari d'une existence portée par la science et la foi, jusqu'au point de rupture. Voici le compte à rebours d'une invention géniale, l'avènement d'une nouvelle vie et la naissance d'un grand écrivain.
De la chambre obscure où Pascal dessine les plans de sa machine à la lumière de la bougie aux rues grouillantes et humides de Rouen ; des salons parisiens où l'on pratique l'art de la dispute à la quiétude austère de l'abbaye de Port-Royal, Laurent Lemire nous conduit au coeur du XVIIeme siècle, dans une France déchirée par la Fronde et les querelles religieuses. A la fois récit scientifique et biographie ciblée d'un homme d'exception, La machine de Pascal est avant tout l'histoire d'une prouesse hors du commun qui changea pour jamais le destin de son concepteur.
Marie-Claude Vaillant-Couturier, dite Maïco, est la fille gâtée de Lucien Vogel, éditeur d'avant-garde, et Cosette de Brunhoff, soeur du créateur de Babar. Adolescente à l'aube des années 30, Maïco danse aux bals russes, pose pour Vogue, croise Aragon, Picasso, Gide, Malraux, bien d'autres Apprentie peintre à Berlin en pleine montée du nazisme, elle en revient métamorphosée et se tourne vers la photo. Elle fréquente alors les jeunes Capa, Cartier-Bresson, Gerda Taro, qui, comme elle, voient en l'URSS le seul rempart contre le nazisme. En 1933, son reportage clandestin au camp de Dachau est un scoop mondial.
Elle rencontre alors Paul-Vaillant Couturier, rédacteur en chef de L'Humanité, leader communiste et prophète vénéré des « lendemains qui chantent ». Coup de foudre absolu. L'amour et la politique ne feront désormais qu'un. A la mort de Paul, en 1937, la jeune veuve de 25 ans incarne les espoirs du héros du Front Populaire. Résistante de la première heure, déportée à Auschwitz puis à Ravensbrück, son courage est inébranlable. Libérée par l'Armée Rouge, elle choisit de rester auprès des mourants et afin que « le monde sache l'horreur concentrationnaire ».
Seule femme à témoigner au procès de Nuremberg, Maïco avance sans faillir vers Gring et les accusés nazis, devant une assistance saisie par un « effroi sacré », selon Joseph Kessel. Les images de sa déposition implacable font le tour du monde. « Regardez-moi, car à travers mes yeux, ce sont des centaines de milliers de morts qui vous regardent, par ma voix ce sont des centaines de milliers de voix qui vous accusent ». Devenue député, elle fera voter à l'Assemblée Nationale l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, sans jamais renier son dévouement à l'URSS et sa foi communiste.
Très proche du couple Helmut et June depuis plus de cinquante ans, j'entendis un soir June me dire : « Tu devrais écrire notre histoire, tu la connais si bien. » Plus de cinquante années d'amitié...
Je me suis alors plongé dans mes souvenirs, relu Autoportrait d'Helmut ainsi que Mr. Newton de June, les divers écrits et articles consacrés aux deux photographes qu'ont été Newton et June dite Alice Springs, dont les Éditions du Regard publièrent le premier livre en 1983.
Mon projet fut alors d'évoquer la tragédie qui frappa le petit Helmut Neustädter, juif berlinois, dont une grande partie de l'oeuvre magnifie le désastre, sa rencontre à Melbourne avec June Dunbar, jeune comédienne australienne déjà reconnue, que leur installation à Paris contraignit à abandonner la scène.
En suivant ces deux destinées, j'ai tenté de raconter l'histoire, la vie d'un couple d'exception scellé par la créativité. Un couple dont l'intelligence, la modernité, la liberté émerveillent et interrogent sur la vérité d'une existence à deux.
Au fil du temps et du travail d'Helmut Newton, la réalité sociale et artistique des années 1960, 1970, 1980 et, dans une moindre mesure, des années 1990 se révèle, montrant une société qui n'était pas encore dominée par les réseaux sociaux, où la liberté de création était totale, non soumise aux diktats pseudo-moraux qui la gèrent aujourd'hui.
"Vaste saloperie" selon André Breton, "mauvais livre" selon le rédacteur en chef de La Croix, qui appelle ses les lecteurs à le brûler, Jeanne d'Arc provoque, à sa sortie, la colère des catholiques et des surréalistes réunis dans un combat pompeux. Amour de la chair, intrépidité, souffle lyrique, rien de tout cela ne pouvait satisfaire ces pouvoirs constitués. A peine cinq ans après la canonisation de la sainte, Joseph Delteil osait montrer une Jeanne humaine.Dans cette biographie hors du commun, il la dépouille des oripeaux de la légende pour nous présenter une "fille de France", qui aime, jure, espère, échoue parfois. Alors, elle est sublime.
Aron Jean-Marie Lustiger (1926-2007), à la fois entier et double, croyant dévoué et intellectuel engagé, juif de naissance converti au catholicisme, fidèle aux traditions et tourné vers l'avenir, être de recueillement et de terrain, est une énigme.
Dans cette biographie née d'une relation de près d'un quart de siècle avec son sujet, et d'après les nombreux témoignages de son entourage et un accès aux archives inédites, Henri Tincq révèle le destin singulier d'un jeune juif devenu cardinal. On y retrouve une enfance foudroyée par la mort de sa mère, Gisèle-Léa, déportée à Auschwitz - un drame qui marquera tous ses choix de vie, humains, sociaux ou religieux ; son intérêt pour la chose politique, notamment ses dialogues avec François Mitterrand et son aversion pour Jacques Chirac ; sa relation privilégiée, presque fraternelle, avec Jean-Paul II ; et son élection, en 2005, à l'Académie française.
Au-delà de la plus étonnante carrière épiscopale du XXe siècle, se dessine le portrait psychologique, celui d'un insatiable, d'un hyperactif omniprésent. « Il se prend pour Dieu », vont jusqu'à prétendre ses détracteurs. S'il est de tous les combats, le cardinal Lustiger fut en Israël l'homme d'une mission et joua un rôle fondamental dans la maîtrise des tensions. Sacré « cardinal des Juifs », il oeuvra sans relâche pour la paix au Proche-Orient, et pour une meilleure entente entre les peuples.
Avec érudition, nuance et profondeur, Henri Tincq dresse, de l'intérieur, le portrait de ce grand homme d'Eglise dont l'influence se fait encore sentir dans toute la communauté catholique.
Magellan (1480-1521) entreprit en 1519 le premier voyage autour du monde. Il trouva une mort absurde aux Philippines, son exploit accompli. Dans cette formidable biographie, Zweig exalte la volonté héroïque de Magellan, qui prouve qu'« une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis ». Marie Stuart (1542-1587) reine d'Ecosse puis de France, doit en 1560 se réfugier auprès d'Elisabeth I d'Angleterre après une liaison malheureuse. Celle-ci la gardera captive vingt ans avant de la condamner à mort. Il fallait l'immense talent de Stefan Zweig pour faire revivre la femme et la reine, parée de mille grâces par les uns, peinte comme une criminelle par les autres. Qui était Marie-Antoinette (1755-1793)? Une débauchée futile ? Une icône pour la Restauration ? Nous la suivons de la chambre de son époux, jusqu'au lit de la guillotine. Zweig analyse une âme bouleversée par les événements, qui, sous le poids du malheur et de l'Histoire, se révèle à elle-même. Joseph Fouché (1759-1820) a servi avec zèle la République, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Monarchie. Elève chez les Oratoriens, il devint un pilleur d'églises. Conventionnel modéré, il vota la mort du roi. Fouché, c'est l'art du reniement, la grâce du traître. Stefan Zweig nous fait découvrir, à sa manière, une figure essentielle de l'Histoire.
« Moi, Président, je demanderai à Patrick Rambaud de ne pas m'écrire de chronique du règne de François Ier... »
C'était impossible en effet : François Ier était pris, tout comme le méconnu François II, l'impossible François III. Et François IV fut roi de Modène.
Patrick Rambaud s'est donc choisi un roi de haut calibre : François le Petit.
Nicolas Sarkozy était romanesque à souhait, contourné, faux, kärcherisé, entretenant une cour volatile et dorée.
Avec sa montre en plastique et ses costumes bleu trempés, François le Petit est théâtral : en son palais de confetti, avec son casque à visière, au côté de ses femmes...
Pour sauver la France et de l'ennui et du médiocre, votez Patrick Rambaud !
Publié en 1894, Napoléon chez lui est le premier livre sur la vie quotidienne de Napoléon. Frédéric Masson décrit l'organisation du palais des Tuileries, précise la fonction de chaque pièce du palais, décrivant leur décoration aussi bien que les responsabilités des personnes qui y travaillent, à commencer par Napoléon lui-même. Chambre ou cabinet de travail, quelle que soit la pièce, l'historien explique pourquoi Napoléon l'avait souhaité telle, en quoi cela correspondait à son tempérament, à sa façon de vivre. Aux Tuileries, à Fontainebleau, à Compiègne, la disposition des appartements était la même : Napoléon détestait le changement, et cela dans un but : gagner du temps.
Voici enfin une journée typique de travail de l'empereur, du réveil au coucher, et sa journée du dimanche (quand il a des dimanche !), où il déjeune en famille.
Cet « empereur dans ses meubles » en donne un portrait vivant, original et inédit.
Dans la mémoire collective, l'affaire Dreyfus est l'histoire d'une victime : Dreyfus, et d'un héros : Picquart. Picquart, le brave lieutenant-colonel, qui, découvrant l'erreur qui a fait condamner un innocent, met tout en oeuvre pour faire réparer l'injustice, jusqu'à la prison et au sacrifice de sa carrière. En 1906, après la victoire du droit, il est réintégré, nommé général, et bientôt ministre de la Guerre dans le cabinet présidé par Georges Clemenceau.
Ce récit ne correspond pourtant pas à la vérité historique que ce livre, sur la base d'une nombreuse documentation inédite, rétablit. Le vrai Picquart, c'est un homme qui, s'il a tenté de faire réparer l'erreur judiciaire, l'a fait plus pour préserver l'armée que pour sauver un homme ; qui, dès le début des représailles, a fait marche arrière ; qui, pour assurer sa propre sauvegarde, a entravé l'action des partisans de l'innocent et ne s'est finalement lancé qu'à son corps défendant, sachant que son propre sort était scellé. Enfin, le « vrai » Picquart s'est acharné sur Dreyfus après sa grâce, faisant courir les plus injurieuses rumeurs, l'attaquant dans la presse avec des propos proches de ceux du camp adverse et, une fois ministre, a refusé de réparer la dernière injustice dont Dreyfus était victime. Comment cet antisémite obsessionnel est devenu un héros permet de comprendre la manière dont l'histoire de France peut se raconter des histoires, afin de se blanchir...
René Girard avait écrit en 1972 : « La violence essentielle revient sur nous de façon spectaculaire, non seulement sur le plan de l'histoire, mais sur le plan du savoir. » Il s'est éteint dans la semaine qui a précédé les attentats du 13 novembre 2015. Il n'avait rien d'un prophète de malheur. Sa pensée donne forme et sens à notre avenir. Nous devons réentendre sa voix.
Il m'a fallu répondre au choc de deux événements conjoints : la mort d'un maître et d'un ami, et les horreurs parisiennes. Ces réalités constituent une énigme où se confrontent l'invisible et le monstrueux, la violence et le secret, l'élégance et l'obscénité. Elles m'ont forcé à évoquer les « derniers jours » : ceux de René Girard et la fin des temps qu'il pensa dans son oeuvre.
Mais beaucoup se sont mépris sur son pessimisme. L'annonce d'un démembrement du monde révélait moins la mélancolie d'un romantique que la joie du Royaume entrevu un soir d'été en Avignon ou dans le silence parfumé de Stanford. J'ai voulu rendre présent ce penseur apocalyptique qui fut drôle et discret, dont l'espérance était profonde.
Ce livre raconte une amitié. Il présente l'oeuvre de Girard dans la lumière rétrospective que constitue sa fin. C'est au « jour de colère » que se fait entendre la parole. La sienne et celle des textes qu'il sut génialement interpréter : les Evangiles, Shakespeare, Stendhal ou Proust garderont longtemps pour moi l'accent du Midi.
À voir Charles de Gaulle, figé dans la stature de l'Homme du 18 juin, Yvonne de Gaulle dans celle de « la Discrète », on oublie qu'ils sont un homme et une femme, indissolublement liés au plus profond de l'intime. Charles, sensible, provocant, vulnérable, secret. Yvonne, si courageuse et si pieuse, imprévisible, parfois rieuse, et toujours amoureuse.
Si Charles est Ulysse, Yvonne n'est pas Pénélope. Elle ne reste pas à détricoter son ouvrage en l'attendant. Quitte à emporter quelques pelotes de laine, elle l'accompagne au long de l'odyssée qui les mène de Colombey à l'Élysée.
Derrière l'image du président omniprésent qu'on lui assigne : Charles de Gaulle, le rebelle. Derrière la légende de première dame retranchée dans l'ombre du héros : Yvonne, sa partenaire, allège le fardeau du pouvoir et des chausse trappes.
Elle a en elle quelque chose d'une Princesse de Clèves du XXe siècle, tout gel à l'extérieur, tout feu à l'intérieur. Elle réserve sa passion à un seul être : Charles.
Le grand oeuvre du général demeure la France. D'après Malraux : « C'est elle qu'il a épousée avant Yvonne Vendroux. » Marianne est la maîtresse du Général, dit-on. Dans les coulisses de l'Élysée et les rédactions, on chuchote d'autres prénoms en se rappelant que Charles, avant d'être de Gaulle, fut « un chaud lapin ». On évoque une comtesse polonaise, on lui prête une maîtresse, une deuxième, on s'interroge. Comment le plus haut personnage de l'État pourrait-il être aussi exemplaire ? Le pouvoir est un puissant aimant, c'est connu. Yvonne, l'admirable épouse, garde un sourire de parade, et se renseigne.
« J'appelle aventurier celui qui s'engage au service d'une cause sans y adhérer ; qui engage sa vie plus pour son propre salut que pour la victoire.
Ernst von Salomon, un des précurseurs du renouveau socialiste qui surgira en Allemagne dès 1918 (et qui, tragiquement, aboutira à Hitler quinze ans lus tard), écrit : " Cette première question d'une vie à remplir trouve sa réponse dans la vie même. " T.E. Lawrence remarque : " L'appel du désert pour les penseurs de la ville a toujours été irrésistible. Je ne crois pas qu'ils y trouvent Dieu, mais qu'ils entendent plus distinctement dans la solitude le verbe vivant qu'ils apportent avec eux. " Et Malraux avoue : " Je n'aime pas les pauvres gens, ceux en somme pour qui je vais combattre... Je les préfère uniquement parce qu'ils sont les vaincus. "
L'aventurier : le contraire du militant ; étranger par essence au fanatisme et même au manichéisme. L'aventurier : un irréductible solitaire. »
R.S.
Cette anthologie rassemble exclusivement des textes écrits par des personnes qui ont connu la plus célèbre des reines de France. Les auteurs en sont, entre autres, sa portraitiste officielle, Elisabeth Vigée Le Brun, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de Louis XV, le duc de Choiseul, certaines de ses plus proches amies, comme la princesse de Lamballe, sa femme de chambre madame Campan ou la gouvernante des enfants de France, la duchesse de Tourzel.
Ces témoins de première main racontent Marie-Antoinette comme personnage privé tout autant que comme personnage public. Ils révèlent son intimité, sa parole, ses goûts, mais aussi la nature de ses rapports avec le roi, ses enfants, et ses passions amicales comme celle qu'elle a eue pour la duchesse de Polignac. On découvre comment elle a réagi aux scandales qui l'ont touchée, en particulier la fameuse affaire du collier. On aimait la qualifier de reine sotte et indigne du prestige Versailles ? On la voit défendre la monarchie avec courage et habilité. C'est aussi l'occasion de découvrir des anecdotes rarement relatées, comme sa toute première danse dans la Galerie des glaces, après son mariage avec Louis XVI, ou encore son opiniâtreté lors des interrogatoires par les révolutionnaires, avant son procès, à la prison du Temple. Et nous la suivons dans son calvaire jusqu'à la guillotine.
Voici Marie-Antoinette charmante et irritante, frivole et appliquée, ingénue et déterminée, souvent naïve, parfois calculatrice, toujours attachante.
En annexe, et pour la première fois en volume, on trouvera les deux lettres décryptées en 2016 de Marie-Antoinette à Axel de Fersen : « Je vous aime à la folie et (...) jamais, jamais je ne peux être un moment sans vous adorer. »
L'anthologie est réalisée et préfacée par Arthur Chevallier, déjà auteur dans les Cahiers rouges des anthologies Napoléon raconté par ceux qui l'ont connu et Le Cahier rouge des chats.
"J'ai été blessé en Mai 68. Et maintenant, ils m'ont achevé. Et maintenant, je suis mort." C'est par ces mots que le général de Gaulle accueillit le Non des Français au référendum d'avril 69. Entre cette mort politique et la fin à Colombey, dix-neuf mois vont s'écouler durant lesquels le général va voyager, compléter ses Mémoires, s'entretenir avec des proches, se mesurer à la solitude, à la souffrance.
Compte à rebours dramatique minutieusement restitué par Jean Mauriac. Son sens du détail, l'enchaînement des tableaux composent un destin et disent un discret chagrin. Voici de gaulle grandiose dans l'adversité, solitaire et quotidien, hanté par la mort. De Gaulle, la France au coeur, aux derniers feux de sa vie.
Henri Troyat, né en 1911 à Moscou, est romancier et biographe. Il a obtenu le prix Goncourt en 1938 pour L'Araigne. Parmi ses livres parus chez Grasset, rappelons : Terribles Tsarines (1998), Maria Tsvetaeva (2001), L'étage des bouffons (mars 2002), La baronne et le musicien (janvier 2004)
Le Livre:
Alexandre II avait été un modèle d'ouverture d'esprit et de libéralisme : c'est lui qui abolit le servage en Russie. Les révolutionnaires extrémistes décidèrent de l'abattre. Il fut assassiné en 1881. Son fils lui succéda, sous le nom d'Alexandre III. Jusqu'à sa mort, en 1894, il s'employa à restaurer l'autocratie avec une fermeté impitoyable. Après avoir fait exécuter les régicides coupables de la mort de son père, il s'appuya sur les ministres les plus réactionnaires pour gouverner...
Création d'une redoutable police politique, censure préventive, surveillance étroite des étudiants, contrôle des écoles primaires par le Saint-Synode orthodoxe, encouragement de l'antisémitisme pour servir de dérivatif à l'agitation révolutionnaire, organisation de sanglants pogromes : ce tsar n'a laissé le souvenir que d'un esprit autoritaire et borné.
Il fallait tout le talent d'un Henri Troyat pour redresser un peu cette image et peindre le portrait vivant d'un homme plus nuancé. Et qui se racheta par sa politique extérieure : il détacha la Russie de l'Allemagne et fut l'artisan du rapprochement avec la France, préparé par les visites de l'escadre russe à Toulon et de l'escadre française à Saint-Pétersbourg, et scellé par l'alliance franco-russe que commémore le pont Alexandre III à Paris. Tous ces événements sont racontés avec une précision émaillée de formules brillantes.
L'âge d'or de l'opéra, l'âge d'or des castrats : le XVIIIe siècle. Farinelli fut le plus illustre d'entre eux. Originaire du sud de l'Italie, éduqué à Naples, très vite sa renommée l'entraîna à l'étranger. Après Londres et à la demande de la reine d'Espagne, il s'établit à Madrid, où le neurasthénique Philippe V se consume dans l'inaction. Et voilà le miracle : la voix de Farinelli agit sur le roi comme une drogue miraculeuse, il revit et s'intéresse de nouveau aux affaires de l'Etat. Personnage dorénavant important de la Cour espagnole, richissime, décoré de l'ordre prestigieux de Calatrava, le castrat reste vingt-deux ans à Madrid. Il se retira à Bologne, où défila toute l'Europe, de Mozart à Casanova.
Laurence Benaïm a 38 ans. Journaliste, elle dirige les pages consacrées à la mode au journal Le Monde. Elle est l'auteur chez Grasset d'une biographie d'Yves Saint Laurent (1993).
Son prénom est plus célèbre que son nom pourtant illustre : Marie-Laure. Née en 1902 dans une famille au croisement de l'aristocratie (les Chevigné) et du judaïsme ( les Bishoffsheim), elle est à sa mort en 1970 la dernière représentante d'un monde auquel elle n'a jamais appartenu. Enfant, elle a déchiré les lettres de Proust à sa grand-mère, Laure de Chevigné, modèle d'Oriane de Guermantes. Elle a grandi dans une maison que fréquentèrent Anatole France, Mistral, Bakst, ou Francis de Croisset, " Bel-ami " qui devient son beau-père. Adolescente, cette jeune femme qui fut élevée en solitaire connaît le tourbillon du monde, " Lolita de Cocteau ", elle s'étourdit dans les années folles. Mariée à Charles de Noailles, le couple concilie l'argent et le goût, mécène de l'âge d'or du surréalisme, demandant à Mallet-Stevens de leur construire à Hyères une maison cubiste, à Jean-Michel Frank de " démeubler " leur salon de la place des Etats-Unis, offrant à Bunuel de tourner L'Age d'or, dont la projection entraîne l'un des plus vifs scandales esthétiques des années trente. Une provocatrice ? Une anticonformiste ? En 1936, elle soutient les républicains espagnols et en 1968 elle se rend sur les barricades en Rolls-Royce.
Son plus grand talent ? Sentir l'époque. Il y a un ton Marie-Laure. Il y a un goût Marie-Laure : placer sur une cheminée à la fois des ivoires esquimaux, des vases étrusques et un réveil Fabergé. " Tortionnaire adorée ", intelligence " feu follet ", choquant le Faubourg Saint-Germain, cette éternelle étrangère se métamorphose, à la fin de sa vie, en Mère Ubu enjuponnée de gros tweed. La décadence de l'aristocratie, la scène avant-gardiste, l'ascension de la " café-society ", le gratin cosmopolite.
Avec une virtuosité d'écriture, brassant tout le paysage littéraire et artistique, de Cocteau à Crevel, de Poulenc à Dali, Laurence Benaïm a écrit le destin d'une iconoclaste, fâchée avec sa naissance.
« Ce n'est pas une histoire que je raconte, mais d'abord un portrait que je m'efforce de cerner : avec des traits, des hachures, des retouches, des repentirs, rien qui ressemble à un plan logique et raisonné. Et lorsque la figure apparaîtra telle que je l'ai conçue, je me tournerai, dans une seconde partie, vers de Gaulle lui-même et je ferai une remontée à travers ses textes (dont certains parmi les moins connus), jusqu'à ce que j'aie trouvé la confirmation par de Gaulle lui-même de l'idée que je me suis faite de lui dès le premier jour où nous déjeunions face à face, le Ier septembre 1944, rue Saint-Dominique. »François Mauriac
Né en 1899 dans une ville de Hongrie aujourd'hui roumaine, photographe mais aussi peintre, dessinateur, sculpteur et écrivain, Brassaï fut un artiste éclectique et de son temps.
Etudiant en histoire de l'art à Budapest puis à Berlin, il s'installe à Paris au milieu des années 1920, apprend seul le français en lisant Proust, et passe des nuits entières à arpenter la capitale. Il photographie les rues, les gens, les bordels comme les chantiers, sublime les enseignes publicitaires et capture les lumières. Ami des plus grands artistes de son temps, Kandinsky, Kokoschka, Henry Miller ou Jacques Prévert, il fut aussi le portraitiste de Dali, Picasso, Matisse, Giacometti et Michaux. Alors que la photo peine à être reconnue comme un art, il réalise des clichés qui resteront à jamais les témoins d'une époque mythique : celle du Montparnasse des années 30, de la Bohème étourdissante. Photographe d'un Paris interlope et nocturne comme de la brillante société de la danse et de l'opéra, auteur d'une oeuvre aujourd'hui célèbre dans le monde entier, du Japon aux Etats-Unis, Brassaï est entré dans la légende en se promenant.
« La vie de Brassaï fut une quête inlassable et tenace. Du petit soldat communiste à l'exilé hongrois des brasseries de Montparnasse, puis à l'artiste mondialement reconnu, c'est Ulysse. Mais c'est aussi Protée, un flâneur, un grimpeur, un insaisissable vagabond qui fut le poète de sa propre vie. On ne vient pas à bout des légendes. C'est ce qui fait leur étrange beauté. »
Serge Sanchez
Le fils de Catherine la Grande, né en 1754, est un enfant fragile. Enlevé à sa mère dès son plus jeune âge, il est élevé dans les appartements impériaux par une cohorte de nourrices sous l'oeil autoritaire de sa grand mère, la tsarine Elizabeth. Privé de la tendresse maternelle, Paul est un garçon sensible et craintif, d'humeur changeante. Témoin des luttes politiques entre son père Pierre III, et sa mère la Grande Duchesse, l'enfant en devient bientôt l'enjeu. Lorsque Catherine monte sur le trône de toutes les Russies, elle possède une emprise totale sur son fils. Elle choisie sa première, puis sa seconde épouse, l'envoie en Europe afin de l'éloigner de la Cour et lui offre un territoire miniature, empire sur lequel Paul peut donner libre cours à sa passion pour l'art militaire, sans gêner les affaires de l'Etat...
Epris d'ordre et de tradition, Paul est un naïf étouffé par la personnalité despotique de sa mère. Quand elle meurt, il peut enfin, à 44 ans, s'emparer du pouvoir. Souverain lunatique ne se fiant qu'à son instinct, Paul Ier s'engage tour à tour dans des réformes éclairées ou des exactions gratuites. Il craint le jacobinisme et se frotte à Bonaparte, puis aux Anglais. Mais ses caprices entraînent la Russie dans l'incohérence et la terreur.
Après seulement cinq ans de règne, l'empereur mal aimé est trahi par ses proches. Refusant d'abdiquer en faveur de son fils Alexandre, il est sauvagement assassiné.