" Enfin la biographie que ce géant méritait "
Robert Paxton
S'appuyant sur une très large masse d'archives et de mémoires, Julian Jackson explore toutes les dimensions du mystère de Gaulle, sans chercher à lui donner une excessive cohérence. Personne n'avait décrit ses paradoxes et ses ambiguïtés, son talent politique et sa passion pour la tactique, son pragmatisme et son sens du possible, avec autant d'acuité et d'esprit. Des citations abondantes, éblouissantes d'intelligence, de drôlerie, de méchanceté parfois, restituent la parole de De Gaulle mais aussi les commentaires de Churchill et de tous ceux qui ont appris à le connaître, à se méfier de lui ou à s'exaspérer de son caractère vindicatif, de son ingratitude ou de ses provocations...
Aucun détail inutile ici et aucun des défauts de ces biographies-fleuves où l'on se perd, mais une narration toujours tendue, attachée aux situations politiques, intellectuelles, sociales et aux configurations géopolitiques qui éclairent une action et son moment.
Julian Jackson relit cette existence politique hors norme et son rapport à la France à la lumière des questions du passé, qu'il restitue de manière extraordinairement vivace, et de celles qui nous occupent aujourd'hui – et notamment l'histoire coloniale et l'Europe, la place de la France dans le monde, mais aussi évidemment les institutions de la Ve République. En ce sens, c'est une biographie pour notre temps.
C'est aussi une biographie à distance, par un observateur décalé qui mieux qu'aucun autre fait ressortir le caractère extravagant d'un personnage singulier à tout point de vue, extraordinairement romanesque dans ses audaces comme dans ses parts d'ombre, et dont l'héritage ne cesse de hanter la mémoire des Français.
Spécialiste de l'histoire de la France au XXe siècle, Julian Jackson est professeur d'Histoire à Queen Mary, University of London. Sur toutes les listes des meilleurs livres de l'année en Grande-Bretagne, sa biographie de De Gaulle a été couronnée du très prestigieux Duff Cooper Prize.
C'est à l'histoire d'une mémoire disputée que nous convie ce livre, moins pour faire récit des manipulations du souvenir que pour dresser l'inventaire des résistances du passé. Peut-être aussi pour tenter de rendre sensible l'épaisseur des temps par quelques expériences narratives...
Le souvenir est celui d'Ambroise, élu évêque de Milan en 377, à l'époque où la ville est l'une des capitales de l'Empire romain. Contemporain de cette bascule d'un temps dans l'autre qu'est l'Antiquité tardive, Ambroise instaure une grande séparation entre ceux qui croient au Christ et ceux qui n'y croient pas. Jouant la ville contre le palais, le peuple contre la cour, il fait de la lutte contre l'hérésie la cause d'une Église défendant l'inviolabilité du domaine de Dieu face au pouvoir impérial.
Héros de la romanité continuée, champion de la liberté de l'Église, saint patron de la ville et protecteur céleste de sa conscience civique, Ambroise n'a cessé de hanter l'histoire de Milan, depuis le temps des évêques carolingiens jusqu'à la Contre-Réforme catholique, et bien au-delà encore. Partant sur les traces de ses vies posthumes, ce livre propose une enquête sur la manière dont se façonnent, en longue durée, et de manière heurtée, contradictoire et toujours conflictuelle, les identités collectives. S'y révèle, chemin faisant, une archéologie du gouvernement des modernes, buttant sur l'origine liturgique de tout pouvoir et la violence constitutive à toute fondation.
Patrick Boucheron est historien, professeur au Collège de France. Il est notamment l'auteur de Léonard et Machiavel (2009), Faire profession d'historien (2010), Conjurer la peur. Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images (2013).
Né dans une famille juive aisée de la Russie impériale, Jacques Schiffrin (1892-1950), éditeur de renom, connut à deux reprises l'exil. D'abord à Paris, où il fut en 1931 le fondateur de la « Bibliothèque de la Pléiade », puis, dans les années 1940, à New York, où il participa à la création de Pantheon Books.
Si la « Bibliothèque de la Pléiade » contribua grandement au prestige de la culture française dans les années 1930, la Seconde Guerre mondiale mit fin à l'idylle française du fondateur de la « Pléiade ».
Après la guerre, à New York, Schiffrin voulut revenir à Paris. Il aurait en effet semblé évident qu'il reprenne la direction de la « Bibliothèque de la Pléiade ». Devenue, avec son accord, la propriété de Gallimard dès 1933, il en était resté l'unique directeur. Mais les conséquences de la politique d'« aryanisation » avaient incité Gaston Gallimard à congédier, en novembre 1940, Schiffrin de la direction de cette collection qu'il avait lui-même créée.
Amos Reichman évoque avec une grande sensibilité la tristesse de l'exil tout en nous offrant, grâce à ses recherches minutieuses dans les archives des deux côtés de l'Atlantique, la correspondance de Schiffrin avec ses amis, notamment Roger Martin du Gard.
En cet âge d'or de l'édition, Schiffrin imprima sa marque durable. L'héritage qu'il nous laisse est immense. Ses deux créations perdurent jusqu'à aujourd'hui. En France, la « Bibliothèque de la Pléiade » est devenue l'arbitre du classicisme et Pantheon Books a beaucoup enrichi l'édition en langue anglaise.
Avec son lot de malheurs personnels et de succès magnifiques, la vie de Jacques Schiffrin offre un parfait reflet du XXe siècle.
Une vie géniale à nulle autre pareille – celle d'une femme partie en quête de vérité jusqu'à en mourir ; mais plus encore celle d'une femme en amour avec l'esprit, malgré la violence extraordinaire de son temps.
Philosophe, écrivain, poète, mystique, partisane de toutes les luttes politiques des années 1930, jusqu'à se faire ouvrière chez Renault, à la fois engagée dans la guerre d'Espagne et la France libre, Simone Weil n'a jamais dissocié son action de sa parole, son combat politique de son engagement spirituel, sa vision philosophique de sa pratique mystique. Albert Camus, Emil Cioran ou André Breton ne s'y sont pas trompés, qui l'ont saluée comme l'un des êtres les plus libres qui ait été.
Ce portrait met en lumière les seuils franchis, les choix résolus – le renoncement à l'amour, les amitiés, la charité totale et l'heure de la mort. Il élucide le grand rêve de Simone Weil : vivre, dans la fraternité, l'amour immense qu'elle portait à son prochain, et partager avec lui la souffrance du monde. Christiane Rancé fait surgir devant nous une femme résolument en avance sur son siècle, dont la présence, l'exemple nous sont nécessaires.
Christiane Rancé est écrivain.
Parmi ses livres récents : Catherine de Sienne, le feu de la sainteté (Seuil, 2008) et une biographie : Jésus (Gallimard, 2008).
Markus Rediker trace le portrait d'une magnifique figure de la lutte pour l'abolition de l'esclavage. Né en 1682 en Angleterre, Benjamin Lay fut tour à tour berger, gantier, marin. Il vécut dans la campagne de l'Essex, à la Barbade puis dans une habitation troglodyte aux environs de Philadelphie. Influencé par le radicalisme des premiers Quakers, il acquit très tôt la conviction de l'égalité de tout être humain et n'eut de cesse d'exiger la libération immédiate et sans conditions de tous les esclaves, à une époque où l'abolitionnisme restait très minoritaire. Activiste de la première heure, cet homme singulier (qui était de petite taille) n'hésitait pas à choquer ses contemporains, usant de tous les moyens d'action pour bouleverser les conventions sociales, et ébranler les consciences. Il interrompait les offices, organisait des happenings, où il éclaboussait de faux sang les propriétaires d'esclaves. Il dérangeait. On le moqua. Mais son nom bientôt fut sur toutes les lèvres, des plus puissants aux plus humbles...
Puisant dans les témoignages de l'époque, dans les écrits de Lay, Rediker nous conte avec passion et rigueur le destin de cet homme visionnaire dont les combats ont de nombreux échos avec les préoccupations d'aujourd'hui (abolitionniste, il fut aussi végétarien, défenseur de la cause animale, opposé à la peine de mort). Il devint l'ami de Benjamin Franklin et croisa peut-être Voltaire. Benjamin Lay est, à bien des égards, un précurseur. Il est aussi une figure éclatante d'une histoire populaire des Lumières.
Marcus Rediker est professeur distingué d'histoire atlantique à l'université de Pittsburg. Historien, écrivain et militant des droits de l'homme, il est spécialiste de l'histoire maritime et notamment de l'Atlantique. Ses livres ont été traduits en quatorze langues, notamment en français au Seuil : À bord du négrier. Une histoire atlantique de la traite (2013 ; " Points Histoire ", 2017), Les Révoltés de l'Amistad. Une odyssée atlantique (1839-1842) (2015) et Les Hors-la-loi de l'Atlantique. Pirates, mutins et flibustiers (2017).
Le 9 octobre 1967, Ernesto Guevara est fusillé en Bolivie. Un mythe est né : celui du Che, qui, abandonnant le pouvoir, a tenté de réconcilier Marx et Rimbaud en reprenant le combat. Qui était ce condottiere au regard intense devenu légende du siècle ? Au-delà de l'icône, l'auteur reconstitue une existence fulgurante, dominée par la passion de la révolution.
Journaliste, écrivain et diplomate, Pierre Kalfon a parcouru l'Amérique latine pendant plus de trente ans. Cette biographie, vendue à des centaines de milliers d'exemplaires dans le monde, s'est imposée comme l'ouvrage de référence sur le Che.
" Il a fallu cinq ans d'enquête et deux ans d'écriture pour donner naissance à cette très belle biographie, sans doute la plus complète sur le " Che ". "
Le Monde
" La plus personnelle des biographies de référence ", Robert Paxton
Dans ce portrait passionné et souvent inattendu, Pierre Birnbaum redonne pleinement vie à Léon Blum : le dreyfusard, l'homme de Juin 36 et de ses immenses conquêtes sociales, mais aussi le jeune dandy aux goûts littéraires d'avant-garde, l'homme d'action doté d'un réel courage physique, l'avocat de l'émancipation sexuelle des femmes, l'amoureux aux multiples vies. Il relit aussi ses engagements à la lumière de l'histoire de ces Juifs d'État, " fous de la République ", auxquels il a consacré un livre qui a fait date. Figure accomplie de la citoyenneté républicaine, Blum ne renia jamais sa judéité.
Une vision singulièrement renouvelée.
Pierre Birnbaum, professeur émérite à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Les Fous de la République. Histoire politique des juifs d'Etats, de Gambetta à Vichy (Seuil, 1994), Le Moment antisémite. Un tour de la France en 1898 (Fayard, 1998), La République et le cochon (Seuil, 2013) et Les Désarrois d'un fou de l'Etat : entretiens avec Jean Baumgarten et Yves Déloye (Albin Michel, 2015).
" Je suis un anormal. On l'a dit, assez. Je l'ai senti. Les mouvements des yeux qui passent à l'examen chaque parcelle de mon être me l'apprennent : tel regard fixe le mien puis descend, là précisément où se trouve la preuve qu'il recherche : " il est handicapé ". Parcours des yeux, quête insistante du talon d'Achille, de la faiblesse. Ce que la plupart des gens perçoivent, c'est l'étrangeté des gestes, la lenteur des paroles, la démarche qui dérange. Ce qui se cache derrière, ils le méconnaissent. Spasmes, rictus, pertes d'équilibre, ils se retranchent derrière un jugement net et tranchant, sans appel : voici un débile. Difficile de changer cette première impression, douloureux de s'y voir réduit sans pouvoir s'expliquer. "
A.J.
C'est un lieu-dit non loin de la côte Atlantique, au coeur de la forêt landaise. Une petite route y mène, bordée de chênes-lièges et de pins : Latche. Ce qui n'était à l'origine qu'une bergerie en ruine acquise par le futur président dans les années soixante pour abriter ses amours avec la jeune Anne Pingeot devint, au fil des ans, le repaire de la Mitterrandie.
Autour de Latche gravitaient la tribu du président et des personnalités politiques en visite sur les terres du dirigeant de gauche, tous et toutes soumises aux rituels obligés : visite au couple d'ânes et balade en forêt. Les courtisans comme les amis sulfureux s'y sont ainsi bousculés, de Jean-Jacques Servan-Schreiber à Jacques Attali en passant par Édith Cresson, Jean Daniel, François de Grossouvre et René Bousquet, l'ancien chef de la police de Vichy. Dormant sur place, pour leur dernier séjour en dehors de ce qui fut l'URSS, Gorbatchev et sa femme en repartirent avec des rêves de datcha tandis qu'Henri Kissinger, des années auparavant, avait quitté la propriété rassuré après une rencontre secrète avec le président d'une France passée à gauche.
Ce livre dresse autant le portrait aiguisé de la Mitterrandie que celui, intime, d'un homme qui avait fait de ce coin des Landes son autre pays à l'abri des bruissements élyséens. Les murs de la bergerie resteront à tout jamais chargés de ces petites histoires, anecdotes cocasses, drames personnels mais aussi grande Histoire qui, ensemble, construisirent le « mythe » Latche.
Qui était Lou Andreas-Salomé ? Énigmatique malgré sa célébrité, trop souvent estimée essentiellement pour ses amitiés amoureuses avec les grandes figures de son temps, Nietzsche, Rilke, Freud et bien d'autres, les lecteurs méconnaissent la singularité de cette femme aux avant postes de la modernité. Stéphane Michaud, servi par un talent et un savoir indéniables, nous livre sa biographie qui surpasse de loin ce qui a été écrit sur Lou. L'accès à l'intégralité des archives inédites (écrits littéraires, psychanalytiques, correspondances, etc.) permet aujourd'hui de justifier, grâce à une analyse plus approfondie, les passions que cette femme a si souvent déchaînées. Cette entreprise de longue haleine nous fait redécouvrir Lou Andreas-Salomé. La grande crédibilité de cette biographie permet d'engager de nouveaux débats tant sur une époque que sur ses prolongements présents.
Après plus de deux siècles de république, les noms des souverains français continuent à hanter nos mémoires comme notre imaginaire. De Clovis à Napoléon, de Charlemagne à Louis XIV, Bernard Phan dresse un portrait haut en couleurs des rois qui ont fait la France, dans sa géographie comme dans son histoire. Chacun à sa façon, avec plus ou moins de panache et de succès, a en effet contribué à façonner le territoire, la monarchie, parfois l'empire, français. C'est cette construction qui est ici commentée pas à pas, règne après règne, guerre après guerre.
Tous les rois, mais aussi les reines, lorsqu'elles ont eu un rôle politique, sont répertoriés, leur règne analysé et leur talent à exercer le pouvoir, à l'étendre ou à le conserver jaugé et jugé. C'est une histoire de France à travers ses souverains qui est ainsi dessinée, avec à l'appui cartes et arbres généalogiques des différentes dynasties.
Un guide pour ne plus jamais visiter Versailles, Fontainebleau ou les châteaux de la Loire en ignorant tout de ceux qui y ont vécu.
Professeur en classe de khâgne à Henri IV, Bernard Phan est notamment l'auteur de la Chronologie du XXe siècle (Points Histoire, 2006).
Qui était Charles Tillon ? Comment le chef et créateur des FTP (Francs-tireurs et partisans) a-t-il pu sombrer dans l'oubli ? Son parcours, digne d'un héros populaire, est celui d'une navigation à vue dans les eaux démontées du xxe siècle. D'une guerre mondiale à l'autre, des navires révoltés de la Méditerranée aux sables brûlants des bagnes de Biribi, d'une jeunesse prolétaire et militante aux aventures ministérielles, du Front populaire victorieux aux tragédies du Frente popular, de la Bretagne socialisante à l'Allemagne agonisante, du pacifisme amer à la Résistance armée, du lyrisme de la Reconstruction à l'insanité stalinienne, de l'exclusion du Parti (accusé de « nationalisme bourgeois », de défiance envers l'URSS, de complot contre le parti et d'appropriation de fonds secrets en vue de buts cachés...) au ralliement à l'esprit de 68, de Prague abandonnée aux loups nazis à Prague envahie par la soldatesque rouge, de victoires en défaites, de trahisons en trahisons ...
Fabien Tillon, en voulant lui rendre hommage, rend aussi justice à son grand-père. S'appuyant sur des sources familiales jamais exploitées mais aussi de nombreuses archives, il brosse brillamment le portrait d'un homme engagé qui, trahi par les siens et victime des pires travers du stalinisme, incarna vaille que vaille l'honneur du communisme français.
Juillet 1945. Hélène Martini a 20 ans lorsque, rescapée des camps, elle arrive en France. C'est la misère, la faim, les nuits à la belle étoile. Alors, pour gagner sa vie, elle devient mannequin nu aux Folies Bergère. C'est le début de son ascension.
D'elle on ne sait rien ou si peu. Pourtant, celle qu'on appelait " l'impératrice de Pigalle ", est devenue une véritable légende. Partie de rien, elle a fini par régner sur un empire tentaculaire composé de théâtres et de cabarets à strip-tease.
Jamais elle n'a accepté que l'on raconte son parcours extraordinaire... Pour la première fois Arnaud Ardoin remonte la piste de son destin hors du commun.
Il raconte ses relations avec la pègre de Pigalle, son mariage avec Nachat Martini, réfugié syrien, homme d'affaire sulfureux, ses liens avec l'OAS, ses amitiés avec le show-business, sa mystérieuse soeur Alice, dont personne ne sait qui elle était vraiment pour elle, l'acquisition des Folies Bergère, comme une revanche sur la vie.
La vie d'Hélène Martini dessine une époque entre ombre et lumière. Elle témoigne de tout un pan de la Ve République, où vedettes du cinéma et de la chanson, hommes politiques et voyous se côtoyaient. Une vie comme un roman, où la réalité dépasse la fiction.
Arnaud Ardoin est journaliste et écrivain. Il a déjà publié trois ouvrages, dont le dernier " Président, la nuit vient de tomber " (éditions du Cherche Midi), est consacré à Jacques Chirac.
John Carlin,
Le sourire de Mandela
Traduit de l'anglais par Marc Saint-Upéry
Mandela. Plus qu'un combattant, un héros, un leader, un génie politique. Un homme au-dessus des hommes. Après vingt-sept ans d'emprisonnement, d'autres auraient abandonné la lutte. Mais lui, le combattant inlassable en faveur des droits de l'homme, futur prix Nobel de la Paix, a su puiser en lui des forces insoupçonnées pour résister et triompher. Il a pardonné à ceux qui l'avaient privé de liberté. Il a su trouver les mots pour pacifier une nation à feu et à sang. Par son exemple, il a fait taire la violence, il a imposé à tous les conditions d'une société multiraciale vivant en paix.
Madiba. Son nom tribal inspire l'admiration et l'affection. Tous ceux qui l'ont côtoyé sont tombés sous son charme. Ses ennemis d'hier sont souvent devenus ses amis.
John Carlin, qui a fréquenté Mandela pendant vingt ans, est l'auteur d'Invictus et l'ancien correspondant en Afrique du Sud du Guardian et d'El Païs. Il est l'un des rares à pouvoir raconter Mandela et Madiba, l'homme public et l'homme privé. A l'aide d'anecdotes, d'interviews et de témoignages, il tisse ici le portrait intime de celui qui a su convertir tous ceux qui l'ont approché à la paix.
" Le livre qu'on va lire a paru pour la première fois en 1976 : on était alors en pleine offensive des " nouveaux philosophes " ; ces jeunes gens allaient partout annonçant " la mort de Marx ". Je l'ai conçu, ce livre, comme une première riposte à ce déchaînement contre Marx et Lénine. Allaient suivre, deux ans plus tard, L'Établi, récit de l'année que j'ai passée comme OS (ouvrier spécialisé) chez Citroën, puis, encore deux ans après, Le Sucre et la Faim, enquête dans les régions sucrières du Nordeste brésilien. D'une certaine façon, on pourrait dire que ces différents livres se complètent et constituent un ensemble : il y est question du système Taylor, du mouvement paysan, de la résistance à l'exploitation.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
L'URSS s'est effondrée, il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts de la Neva [...] ; la misère, dans nos pays, frappe avant tout les immigrés, les sans-papiers, les sans-droits, pendant que les riches affichent avec insolence leurs gains mirifiques...
Trente-quatre ans ont passé depuis la première publication de Lénine, les paysans, Taylor : les analyses contenues dans ce livre restent pertinentes à mes yeux ; je n'en changerais pas une ligne... "
Robert Linhart, mars 2010.
Robert Linhart, est dans les années 1960, l'un des fondateurs du mouvement maoïste français. Il a, entre autres, publié L'Établi (Éditions de Minuit, 1978).
Avant et après Mai 68 ils furent quelques dizaines, puis presque un millier, à quitter leur famille, à abandonner leurs études, pour partir travailler en usine. Ils renonçaient à leur statut d'intellectuel, choisissaient de vivre aux côtés des ouvriers, insufflant l'idée révolutionnaire dans les usines. Ils s'inspiraient des recommandations du président Mao Tse Toung qui prônait de " descendre de cheval pour cueillir les fleurs ". On les a appelés " les établis ", un terme mystérieux qui au fil des années ne disait quasiment plus rien à personne alors que j'avais passé mon enfance parmi eux.
Lorsque j'ai commencé à partir à la recherche de ceux qui s'étaient établis, j'avais leur âge : celui de leur départ en usine. C'était pour moi la première tentative de réconciliation avec le passé militant de mes parents dont je ne connaissais que les désenchantements. Au fil des récits, au rythme des paroles recueillies, je découvrais les références, les aspirations et les désillusions d'une époque où l'engagement était total. Je pensais alors que si je parvenais à bien comprendre cette histoire, la mienne ferait sens. J'ignorais encore qu'après les parents il me faudrait aller chercher leurs enfants dans un autre récit, écrit vingt ans plus tard, pour enfin avoir le sentiment que les petits cailloux ramassés en chemin toutes ces années m'avaient permis de trouver ma propre route.
Virginie Linhart, née en 1966, est réalisatrice de documentaires. Elle a récemment publié Le jour où mon père s'est tu (Seuil, 2008), couronné par le prix de l'essai de l'Express. Volontaires pour l'usine. Vies d'établis (1967-1977) est son premier livre.
Éric Baratay propose ici des tentatives inédites de biographies animales – récits de vie ou de fragments de vie – construites à partir des ressentis, perceptions et vécus des bêtes.
On découvre sous un jour totalement inattendu la girafe du Jardin des plantes, l'ânesse de Stevenson Modestine, Warrior un cheval engagé dans la Première Guerre mondiale, le taureau Islero qui causa la mort de Manolete, mais aussi Consul et Meshie, deux chimpanzés humanisés, ainsi que les chiens Lazarus et Bummer ou encore Bauschan et Douchka.
Croisant sources écrites, images photographiques et filmées et connaissance de l'éthologie et de l'environnement, l'auteur repousse les frontières de l'écriture de l'histoire pour se placer résolument du côté de l'animal. En accumulant des matériaux sur différents destins inscrits dans leur temps, en les comparant, il propose aussi de penser des époques et des générations animales.
Professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lyon, spécialiste de l'histoire des animaux, Éric Baratay a notamment publié La Société des animaux. De la Révolution à la Libération (La Martinière, 2008, repris sous le titre Bêtes de somme. Des animaux au service des hommes, Seuil, " Points Histoire ", n°442, 2011) et Le Point de vue animal. Une autre version de l'histoire (Seuil, 2012).
Au terme d'une minutieuse enquête, menée en Russie, en Ukraine et en Israël, Myriam Anissimov nous offre le compte rendu détaillé du parcours de l'auteur de Vie et Destin. Vassili Grossman (1905-1964) a acquis progressivement la conscience de la tragédie du stalinisme: victime d'un régime que dans les premiers temps il soutenait, il découvre, à travers les persécutions contre les Juifs, que ce système est profondément destructeur.
En retraçant l'extraordinaire destin d'un écrivain (chimiste de profession) d'abord célébré par les autorités, puis de plus en plus critique à mesure qu'il prend conscience de la stratégie totalitaire et sanglante du stalinisme et surtout lorsqu'il devient lui-même victime de l'antisémitisme, Myriam Anissimov raconte toute l'histoire de l'ancienne URSS. Grossman mourra sans avoir assisté à la publication de son ouvrage fondamental, document exceptionnel sur la manipulation et la destruction des individus, au nom d'un hypothétique bien collectif. La maladie aura raison de sa résistance et c'est grâce à la ténacité de ses proches et amis que son chef-d'oeuvre verra le jour.
Poète, romancier, critique, Henri de Régnier (1864-1936) fut une sommité dans la littérature de son époque. Successivement chef de file des jeunes symbolistes, romancier à succès, pilier du Mercure de France, conteur fantastique et Académicien français, il fut adoubé par Mallarmé, admiré par André Gide, haï par Montesquiou qu'il combattit en duel, et fréquenta tous les artistes de son temps. Il fut aussi l'époux cocu de Marie de Heredia, la fille du poète, qui lui donna un fils signé Pierre Louÿs... Spleenétique, aimable et tourmenté, ce personnage oublié témoigne d'un art de vivre et d'écrire qui nous change de l'hystérie contemporaine. Avec ce libre portrait aux allures de flânerie mélancolique, Bernard Quiriny ressuscite ce second couteau magnifique et remet toute une époque en scène.
Né en 1978, Bernard Quiriny est l'auteur de L'Angoisse de la première phrase et de Contes carnivores, deux recueils de nouvelles fantastiques couronnés par de nombreux prix, notamment le prix de la Vocation, le prix Victor-Rossel et le prix du Style ; et dernièrement d' Une collection très particulière. Il a également publié un roman, Les Assoiffées.
Oroonoko, prince guinéen d'une grande beauté, finit sa vie chevaleresque comme esclave dans une plantation du Surinam dans les années 1660. La voix qui chante sa geste tragique est celle d'Aphra Behn (1640-1689), célèbre dramaturge anglaise, fidèle soutien du roi Jacques II, à la veille de la Glorieuse Révolution.
Ce roman anglais du XVIIe siècle concentre en lui un grand nombre de nos curiosités contemporaines. L'essai de Jean-Frédéric Schaub ne cède pas à la tentation de tirer la lecture du côté du féminisme et de l'abolitionnisme, et moins encore des Lumières ; au contraire, il souligne ce qui, dans ce roman fiévreux, concentre les anxiétés et les ambivalences nées de l'expansion européenne depuis la Renaissance.
Si l'univers d'Aphra Behn s'accommode de l'esclavage et d'une conception hiérarchique de la société, il ne repose pas sur le racisme, ni d'ailleurs sur le sexisme.
La complexité de ce moment de l'histoire culturelle européenne qu'est le premier âge moderne anglais se trouve éclairée à partir de sa dimension coloniale.
Historien, Jean-Frédéric Schaub est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales. Il a publié au Seuil, en 2003, La France espagnole. Les racines hispaniques de l'absolutisme français et en 2007, son premier roman, Le Référendum.
Le destin tragique de celui que Churchill appelait " Mandel le grand " et qui fut assassiné par la Milice en juillet 1944 sort du commun. Il est d'abord le collaborateur intime de Clemenceau, avec qui il forme un attelage orageux et qui le marque pour toujours. Plus tard, dans les années 1930, son intelligence, sa mémoire et son autorité l'imposent comme un ministre hors de pair. Aux yeux de beaucoup, il est l'homme du recours en cas de drame national. Et pourtant, en 1940, il manque le rendez-vous de l'Histoire.
Pourquoi ?
Enquête à conduire, mystère à élucider, en prenant en compte, dans la vie de Georges Mandel, l'héritage ambigu du Tigre, la solitude du sans-parti, les limites de son pragmatisme. Et surtout le doute secret que font naître en lui, dissimulées derrière son courage et le masque de son mépris, les haines suscitées par sa différence.
Auteur de nombreux ouvrages, Jean-Noël Jeanneney a été président de Radio France, de RFI et de la Bibliothèque nationale de France, et secrétaire d'État à la communication. Il est producteur de l'émission " Concordance des temps ", sur France Culture, et professeur émérite des universités à Sciences Po.
Cette chronique conte l'édifiante histoire d'un maréchal de France, de son vivant couvert d'honneurs : pour Sainte-Beuve sa " moralité essentielle " était un exemple pour la jeunesse. En réalité, massacres et appât du lucre furent les ressorts de sa vie : pour Victor Hugo, " ce général avait les états de service d'un chacal ".
Il construit sa carrière sur la conquête de l'Algérie. Il applique la stratégie de la terre brûlée, affamant les populations, et des " enfumades ", exterminant les habitants des villages : " Je me sentais un peu boucher. " Lors du coup d'État du 2 décembre, il massacre les Parisiens au canon. Vainqueur à la bataille de l'Alma, il meurt, emporté par une diarrhée incoercible, dans une guerre de Crimée qui vise – déjà – à établir un nouvel ordre mondial. On lui fait des funérailles nationales.
Mais c'est aussi la chronique d'une face noire de l'histoire de France. Y figurent les souverains, Charles X, Louis-Philippe et Napoléon III ; des ministres, Guizot, Thiers, Morny ; des généraux, Bugeaud, Cavaignac et bien d'autres ; d'illustres penseurs, Veuillot, Tocqueville. Et bien entendu, défendant sa terre, la grande et implacable figure de l'émir Abd el-Kader.
François Maspero est l'auteur de plusieurs livres publiés aux éditions du Seuil, en particulier Le Sourire du chat et Les Passagers du Roissy-Express. Il est également traducteur.
Trotsky eut deux fils. Les biographes connaissent l'histoire tragique de l'aîné, Léon Sedov, militant actif de la IVe Internationale, qui suivit son père dès le début de son exil, en 1929. Il fut assassiné par le NKVD en 1938 dans une clinique parisienne. Mais on ignorait le destin de Serge Sedov, le cadet, présenté par ses proches comme " apolitique ", et resté en URSS malgré le départ forcé de son père et la traque lancée contre lui.
Comme le révèle ce livre, ce supposé apolitisme a permis de masquer longtemps la vérité. Car Serge Sedov, s'il préférait le football aux arcanes du parti bolchevik, fut bel et bien victime d'une machination de la police politique de Staline. Accusé d'avoir " empoisonné des ouvriers " et organisé des sabotages, il refusera d'endosser ces charges extravagantes et d'avouer la moindre culpabilité. Il échappera donc au procès public, au cours duquel les staliniens souhaitaient voir son nom traîné dans la boue, mais pas au jugement ni à la sentence : il sera fusillé le 29 octobre 1937. Il priva ainsi Staline d'une part de sa vengeance, mais Trotsky, lui, n'en sut jamais rien.
Grâce à des archives inédites, ce livre reconstitue pour la première fois les derniers mois d'une victime des grandes purges de la fin des années 1930, une victime tombée dans l'oubli, dont le seul crime fut d'avoir été le fils de son père.
De sa biographie de Staline (Seuil, 1967) jusqu'à son tout récent Lénine ou la révolution permanente (Payot, 2011), Jean-Jacques Marie est l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire de l'URSS.
Cette biographie détaillée et très documentée de Raymond Aubrac est le fruit de trois années d'entretiens réguliers avec l'auteur. Il en résulte un texte à deux voix qui mêle le récit historique de Pascal Convert à la parole même de Raymond Aubrac.
Pascal Convert a réalisé le Monument à la mémoire des résistants et otages fusillés au Mont-Valérien. Sculpteur mais aussi auteur de films documentaires, il interroge les relations entre la mémoire et l'oubli.